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Interview d’Antoine Rouillé d’Orfeuil, consultant en Stratégie, Organisation et Rapprochements

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Interview d’Antoine Rouillé d’Orfeuil, consultant en Stratégie, Organisation et Rapprochements dans l’entrepreneuriat social

De ses études à ses années à la direction de plusieurs secteurs du Groupe SOS et aujourd’hui son activité de consultant, Antoine Rouillé d’Orfeuil est fidèle aux secteurs à impact positif. Très engagé en faveur de l’égalité des chances, il livre un message d’espoir aux étudiants et aux jeunes actifs. Oui, ils ont un avenir et des opportunités, notamment dans les métiers de l’économie sociale et solidaire qui ont du sens.

Après avoir travaillé pendant plus de 15 ans au sein de la direction du Groupe SOS, vous avez créé votre société de conseil. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Après mes études d’économie, j’ai travaillé pendant deux ans dans une petite société de capital investissement spécialisée dans le financement d’activités à forte plus-value sociale et environnementale. En effet, j’étais attiré par des sujets comme le commerce équitable, la consommation responsable et la finance solidaire. Puis, j’ai rejoint le Groupe SOS, qui comptait alors moins de 2 000 salariés, en tant que Directeur général adjoint du pôle Associations. Assez rapidement, j’ai saisi l’opportunité qui m’était proposée de diriger JCLT, une association nationale de protection de l’enfance de 700 salariés, rebaptisée ensuite Groupe SOS jeunesse.

J’ai relevé ce challenge sans connaître la protection de l’enfance, ni réelle expérience de management, mais en sachant que je pouvais m’appuyer sur les avantages d’un groupe : des pairs qui dirigent d’autres activités, des relais techniques, des instances de gouvernance…

A la fin, j’étais en charge de la direction de trois des cinq secteurs historiques du Groupe SOS : la jeunesse, l’emploi et la solidarité.

Sur quelles ressources personnelles vous appuyez-vous pour faire avancer vos projets et exercer votre leadership ?

Le management et le leadership peuvent s’asseoir sur des choses très différentes. Lorsque j’ai pris mes premières fonctions de manager, j’ai rassemblé les cadres pour leur expliquer que je n’étais pas expert de leur sujet et que je n’avais pas vocation à leur expliquer comment accompagner un adolescent en maison d’enfants à caractère social. En revanche, j’étais à leurs côtés en matière de gestion, de partenariats, de relations avec les autorités de contrôle et de management.

S’il y a un écueil à éviter, c’est d’expliquer à des collaborateurs qui connaissent bien leur métier comment le faire quand, soi-même, on ne le connaît pas.

Bien que très jeune dans l’écosystème des directeurs associatifs, j’avais à cœur de prendre des responsabilités et le contact humain m’intéressait beaucoup. Je suis à l’aise avec les chiffres et mes capacités de synthèse m’ont permis de dégager plus de temps pour le relationnel et le terrain. J’ai beaucoup aimé présider le comité central d’établissements, dialoguer avec les organisations syndicales, consacrer du temps aux négociations…

Quels sont vos projets et vos défis aujourd’hui ?

Il y a deux ans, j’ai opéré un changement assez important puisque je suis passé d’une organisation de grande taille à une posture plus solitaire de consultant, c’est-à-dire aux côtés de mes clients plutôt que directement aux manettes. Cela répondait à un désir de flexibilité et de pause managériale ainsi qu’à l’envie de travailler, pendant un temps, sur des missions et des projets plutôt qu’à une fonction.

Je n’ai jamais perçu l’idée de carrière comme un processus linéaire. Je considère que l’on peut faire des aller-retours et qu’il y a même une certaine hygiène du changement.

Le métier de consultant, c’est d’abord écouter et comprendre les problématiques de son client en ayant des capacités d’analyse distanciées, moins parasitées par le quotidien. Mon positionnement est ultra opérationnel, c’est celui du dirigeant qui a été confronté aux mêmes enjeux de gouvernance et d’organisation. Par exemple, la place des bénévoles, le positionnement du Conseil d’administration, le binôme Président/Directeur général, la mutualisation de moyens ou encore, l’organisation par thèmes ou par territoires. Sans oublier, le développement et les rapprochements. Ceux-ci sont le plus souvent abordés de manière défensive par les protagonistes, qui ont en tête la seule solution de la fusion-absorption. Or, j’ai eu la chance de mener à bien de très nombreux rapprochements au sein du Groupe SOS et d’expérimenter d’autres modalités.

Les rapprochements peuvent, au contraire, mobiliser des leviers très positifs. Aujourd’hui, j’accompagne les acteurs associatifs sur ce sujet ô combien stratégique qui me passionne.

Je m’intéresse également à l’innovation sociale. Favoriser les initiatives du terrain est un axe de travail très fédérateur en termes de management, qui concerne tous les secteurs, pas seulement l’ESS.

Quels sont les enjeux actuels pour le monde associatif  ?

La gouvernance est sans doute le principal enjeu dans un environnement qui s’est considérablement complexifié, notamment sur les questions réglementaires, de gestion et de renouvellement des instances statutaires composées de bénévoles. Viennent ensuite le développement, les partenariats ainsi que les liens avec la sphère publique, d’une part et le monde de l’entreprise traditionnelle, d’autre part. En effet, il est très utile de transcender ces frontières trop souvent jugées infranchissables. De la même manière, la capacité des acteurs associatifs à attirer des profils atypiques et à mélanger les cultures professionnelles est source d’une grande richesse et doit être encouragée.

Quel message souhaitez-vous adresser aux futurs leaders ou entrepreneurs ?

Mon parcours est très marqué par le développement de l’activité jeunesse au sein du Groupe SOS. Si la jeunesse est le champ de tous les possibles, c’est aussi un moment de fragilité où se créent les futures inégalités. C’est pourquoi nous devons accorder une attention particulière à l’égalité des chances dès le plus jeune âge. Je suis intimement convaincu que chaque enfant a beaucoup de potentiel. A nous de tout faire pour qu’il soit en capacité de le découvrir et de le développer. La première mission d’un éducateur est d’ailleurs de mettre en confiance l’enfant et de valoriser son talent. Alors, tout devient possible.


Je crois qu’on ne fait bien durablement que ce qu’on aime faire.
Mon conseil est de prendre le risque de pousser son talent, même lorsque la voie semble étroite.
Il existe tant de manières de réussir sa vie et tant de métiers !

Par exemple, dans l’artisanat d’art qui compte plus de 200 métiers d’exception et dans les secteurs qui ont du sens. Aujourd’hui, les jeunes ne veulent pas consacrer 10 heures par jour à une activité dont ils ne mesurent pas l’impact. Cette lame de fond va permettre à l’ESS de se développer mais aussi aux acteurs plus traditionnels de se transformer.

Certes, être étudiant en 2020/2021 n’est pas l’entrée en matière la plus facile. Toutefois, la jeunesse a toute une vie devant elle. Il faut, bien sûr, traiter en urgence les situations aigües de pauvreté et de solitude, mais la jeunesse fera ce qu’elle sait faire : elle aura de l’énergie et des projets.

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