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Innovation : back to basic ou freestyle

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INNOVATION, LE MONDE PROFESSIONNEL

Innovation : back to basic ou free style

A force de nous rebattre les oreilles à coup de « Start-up Nation », on avait oublié que ce sont avant tout les entreprises : grandes, moyennes et petites qui innovent. Nos deux rendez-vous du mois de juin : Marc GigetPrésident du Club de Paris des directeurs de l’innovation, et Olivier Clanchin, Président du groupe Triballat, se sont chargés de nous le rappeler. Deux tons, deux parcours, deux générations. Deux visions et deux expériences de l’innovation en France.  

Start up, circulez, il n’y a rien à voir

Autant le dire, nous avons été soufflés par la diatribe, à la limite du French bashing, par lequel Marc Giget a entamé notre déjeuner : « En France, on n’est pas pro-innovation » ; ou encore, « personne ne vient en France pour la French Tech ». Start-up, licornes, incubateurs et consultants en ont pris pour leur grade. Nous avons même blêmi à l’évocation d’une France moquée pour son positionnement de « leader mondial des start-up ». Pourtant, nous nous sommes rendus à l’évidence qu’il est difficile de trouver la « French pépite », qui a réussi une croissance exponentielle de 1 Md € en 10 ans, et assuré sa pérennité en renonçant aux subventions publiques…

Innovation, la prime au temps long et à l’expérience

Nous étions prêts à faire nos valises pour un pays où l’innovation ne susciterait pas la méfiance de nos concitoyens et où « le storytelling d’Etat ne friserait pas la mythomanie en portant aux nues un secteur sous respiration artificielle ». Lorsque, fort heureusement, l’horizon s’est éclairci et l’enthousiasme de Marc Giget s’est envolé au sujet de l’entreprenariat et des grands groupes français. Pour lui, la longévité et l’expérience sont les clés de l’innovation. Preuve en est la santé des joyaux français : L’Oréal, LVMH, Accor… Ils sont organisés pour préparer l’avenir et surtout pour passer de l’innovation à la production. Et de citer La Redoute qui, face à Amazon, a opéré une « remontada » autant inespérée que remarquable. Elle est désormais n°1 du commerce sur smartphone et dispose de la plateforme logistique la plus moderne. Le premier point de convergence entre nos deux invités réside dans la croyance dans le temps long et dans la capacité des entreprises à organiser l’innovation : qu’il s’agisse de produits, de process de production, de type de management ou de RSE, et à posséder du temps pour en mesurer les performances. Car, comme le rappelle, le président du groupe Triballat : « la performance financière reste in fine fondamentale pour la pérennité ».

L’humain au cœur de l’innovation

Second point commun, la certitude selon laquelle l’innovation d’aujourd’hui et de demain doit placer l’humain au cœur des projets. Pour Marc Giget, cela se traduit par l’essor actuel de l’ESS. Et son dévoiement : Bottom of the pyramid, puisque, dans un monde où les classes moyennes s’appauvrissent, l’enjeu, pour les grandes marques, consiste à proposer des biens et services plus accessibles et moins complexes : la Cactus de Citroën, le Duster de Dacia, ou les offres Total Access de Total et Ouigo de la SNCF… Olivier Clanchin croit dans les vertus de l’économie circulaire. Il cite Gunter Pauli et son concept d’économie bleue, à base de zéro déchet et de biomimétisme. Selon lui, la réponse ne peut être que locale.
Concrètement, il utilise, pour l’une de ses usines, une chaudière à bois, provenant de forêts à moins de 80 km. En écoconception, il a recours à de nouvelles enzymes, avec des bactéries alimentées par les produits. C’est tout un nouveau modèle qui guide son Groupe. Pour l’entreprise, au même titre que l’énergie, les déchets deviennent, plus qu’une source de valeur, un levier de compétitivité.

Leader d’innovation : vive l’agilité !

De prime abord, les positions de Marc Giget et Olivier Clanchin sont très éloignées. Pour le premier, le leader d’innovation ne peut être qu’un spécialiste au sein d’un centre de recherche, d’un laboratoire ou d’une BU. Le concept du « regard neuf » ne tient pas sur la durée, surtout pas à l’heure de demander des résultats. Ce serait donc la fin du CIO, propulsé dans les entreprises, jusqu’aux collectivités locales, pour diffuser et orchestrer l’innovation au sein de l’organisation. Bref, il ne semble guère goûter la tendance « tous leaders d’innovation ». Pourtant, lorsqu’il vante « l’agilité maîtrisée et objectivée de l’intrapreneuriat » : ces équipes mobilisées en interne autour de projets innovants, composées de salariés motivés, et jugées sur les résultats obtenus – des unités au fonctionnement presque biologique en mode : « si tu trouves, tu testes, tu développes, tu lances » –, n’évoque-t-il pas précisément la mutation à l’œuvre au sein du Groupe Triballat ? Pour Olivier Clanchin, cette démarche d’innovation, qui consiste à ne pas réserver celle-ci ni au R&D ni au marketing, est nouvelle. Or, comme la qualité avant elle, l’innovation est transversale et doit être portée par tous. Cela se traduit par le fait d’insuffler dans l’organisation une logique de « libération », qui vient puiser sa source dans l’entreprise libérée, dans une mise en mouvement dont la clé est l’intelligence collective. Olivier Clanchin nous décrit la démarche Advise process du Groupe, qui consiste à permettre à n’importe qui de se saisir d’un sujet si, et seulement si, il a consulté tous les experts et toutes les parties prenantes, avec mesure d’impact et étude de coûts.

Vers un management responsabilisant

Olivier Clanchin parle d’une véritable remise en cause de l’organisation traditionnelle, qui ne se fait pas sans douleur, et nécessite à la fois soutien, droit à l’erreur et accompagnement sur les choix. Ce nouveau champ des possibles entraîne une prise de responsabilité des équipes. La condition, c’est de donner les clés dans un cadre donné. Il nous confie que cela a amené le Groupe à réfléchir à un nouveau rôle des managers : d’un manager expert à un manager responsabilisant, ou ressource, dans la veine du leadership agile, avec un important programme de formation des managers, pour les former à former eux-mêmes.

De sorte que le mode d’organisation, les ressources humaines, semblent être aujourd’hui LE terrain d’innovation à investir car il est tout aussi stratégique que l’innovation technologique.

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